La chrysalide était prise de secousses comme un sac de frappe travaillé par un boxeur invisible. De la fente sortit d’abord une patte noire, dentelée comme une crémaillère, elle tâtait l’air comme si elle voulait l’agripper. Très vite l’insecte avait dégagé ses antérieurs et ses antennes ainsi que sa trompe. La grosse balle de soie s’était alors déchirée en son milieu, d’un coup, et le papillon restait là, immobile comme une momie.
Van Borsten n’y tenait plus.
Le bombyx du mûrier est un lépidoptère commun qu’on trouve à peu près n’importe où dans le monde. Mais pas celui-ci. Ce spécimen, c’est Van Borsten qui l’avait créé. Il attendait que le bombyx déploie ses ailes et les fasse battre pour les sécher. Elles s’ouvrirent doucement éclairant d’un halo blanc les pupilles dilatées du savant. Il exultait. Il avait réussi! De chaque côté de l’abdomen du papillon s’étalaient sur la poudre blanche des élytres les mots “Je pisse à la raie du monde”.
Le bombyx prit son envol. La renommée du professeur Van Borsten aussi.
Titre et Photographie : Jean-Pierre Viguié
Texte : Luc Delasnerie